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Universal War 1


Soleil Editions

Scénariste & Dessinateur :
Denis Bajram

Nbre Tomes : 6
Deja Parus : 5

Interview de Denis Bajram

Interview réalisée par Imothep le 09/05/2002

-  Dans tes études, tu t’étais principalement dirigé vers les sciences. Quel a été l’élément déclencheur de ton changement d’orientation vers les arts ?

Euh... les arts eux-mêmes ?

-  Tu t’intéresses à des types de BD très différents (de Hergé à Akira, en passant par Uderzo et Bilal, sans oublier Moebius, Jacobs et Franquin pour ne citer que les plus connus). Quand tu regardes une nouvelle BD, qu’est ce qui t’attires ou te repousses ? A quoi attaches-tu le plus d’importance ?

Quand je “regarde” une BD , je ne vois évidemment que le dessin et la mise en page ! Mais je ne fais pas que “regarder” un album en librairie. J’en lis toujours une page ou deux, afin de me faire un premier avis sur la capacité de l’auteur à raconter par la Bande Dessinée. Ce qui est loin d’être actuellement une évidence. Mais, profondément, ce qui m’intéresse le plus dans un album, c’est ce qui reste quand on a retiré le scénario et le dessin : et ce qui reste est sans doute justement l’art et le media qu’on appelle Bande Dessinée.

-  Dans l’autobiographie que tu publies sur ateliervirtuel.com, tu dis que la création de Lanfeust Mag t’as permis de commencer une série solo (UW1). Aurais-tu pu te lancer seul sans ce magazine ? Si non quel était le principal frein à cette réalisation ?

C’est une formule stylistique, je n’avais quand même pas besoin de Lanfeust Mag pour publier UW1 (ni Lanfeust Mag de moi) ! Cependant, l’aventure me tentait bien, car je viens du Fanzinat BD, les petits journaux amateurs. A l’époque, avant que tout le monde ne rapplique sur le gâteau, il y avait donc quelque chose de magique à pouvoir participer à un “vrai journal” !

-  Créer un scénario et dessiner les planches qui lui sont associées, forment un travail complémentaire mais bien souvent partagé entre un scénariste et un illustrateur.Le fait de réaliser les deux parties de ce travail est un handicap au point de vue temps de réalisation. Mais cela te permet peut-être une meilleure cohésion dans ton travail... Aux vues des différents travaux que tu as réalisé en collaboration avec des scénaristes, qu’en penses-tu ? Quand tu as eu l’idée de commencer la série UW1, avais-tu envie de la réaliser seul ? Ou est-ce que, n’ayant pas pu te décider à choisir entre scénariste et dessinateur, tu as préféré endosser la peau des deux ? (choix du dessin et respect de ton histoire ?)

Je pense que ces deux questions prouvent à quelle point tout est déformé dans la tête des lecteurs actuellement : On semble avoir oublié que la BD est normalement un art réalisé par un auteur, unique et cohérent par principe : Hergé, Franquin, Jacobs, Peyo, Fred, Moebius, Tardi, Pratt, Mc Kean, Otomo, Frank Miller... pour ne citer qu’eux. Le fait de devoir collaborer avec un scénariste ou un dessinateur n’est souvent qu’un aveu d’incapacité. Cela n’a évidemment pas empêché que de réels chefs-d’oeuvre naissent de ces collaborations, mais c’est quand même au départ le principe de la collaboration qui est un problème, et pas le contraire. a tel point que tous les chef-d’¦uvres signés par plusieurs auteurs pourraient être encore plus admirés, vu la difficulté initiale. Si j’ai moi-même accepté de travailler avec plaisir sur les scénarios de Thierry Cailleteau, c’est que je pensais qu’il serait agréable de pouvoir quelque temps me reposer sur ses épaules expérimentées, et ainsi pouvoir travailler plus longuement, en effet, le dessin lui-même. Mais, il était évident que ce n’était que des “classes”, avant de s’attaquer au fond du problème : faire de la Bande Dessinée, une et indivisible.

-  Tu dis que ton éditeur n’a pas de contrôle sur ton travail, est-ce le cas de toutes les séries produites chez Soleil, ou est-ce un choix délibéré de ta part ? C’est plutôt lié à l’esprit d’indépendance qui règne chez Soleil. Chez Delcourt, j’avais parfois l’impression qu’on critiquait mon travail juste pour justifier tout l’argent qu’on allait me prendre sur le prix de vente d’un livre ! Soleil a le bon goût de savoir qu’il y a trop de risques de “castrer” un auteur en le surveillant de trop près.

-  La plus part des ouvrages de Soleil sont très originaux (Les arcanes du midi minuit , Lanfeust ou Gipsy pour ne citer que les plus connus). “Gipsy”, c’est les Humanos puis Dargaud (oups tout faux). oui, oups :o) Je ne crois pas que l’originalité soit par excellence la signature de Soleil ! I y a une certaine tendance au conformisme dans toutes les grandes maisons d’édition, et Soleil n’y échappe pas. cependant, cette liberté dont nous parlions a permis à certains auteurs de s’épanouir beaucoup plus qu’ils ne l’auraient fait ailleurs, et de renouveler d’une certaine manière les genres auxquels ils s’attaquaient.

-  Le scénario de Universal War One est original quelque peu dérangeant par sa présentation très négative du futur de l’humanité. A-t-il été dur de trouver l’éditeur idéal pour ton entreprise ? C’est la liberté totale que m’a offert Soleil, Mourad Boudjellal, son patron, en tête, qui m’a permis d’aller aussi loin dans le pessimisme. En fait, il m’avait signé sans même savoir ce que je voulais faire (je ne le savais pas moi-même) parce que Didier Tarquin (Lanfeust bien sûr) et Christophe Bec (Zero Absolu, Sanctuaire) lui avaient dit le plus grand bien de moi. Mon contrat a donc précédé l’existence du moindre commencement d’idée ! Ceci dit, je pense que partout ailleurs, on m’aurait refusé ce scénario.

-  Revenons à UW1. De mémoire, je ne retrouve pas beaucoup de bande dessinée dont la mise en couleur soit faite intégralement par informatique comme dans UW1. Je relève principalement le cas récent de Mégalex (1 et 2) par Beltran et Jodorowsky aux « Humanoïdes associés » et quelques autres volumes par ci par là. Penses-tu que le fait d’avoir réussi ce pari va faire des émules et ainsi faire avancer les techniques de la BD ?

Il y a énormément d’albums mis en couleur en informatique actuellement, une bonne moitié à mon avis, et ce autant dans l’humour que dans le réalisme. On oublie toujours que c’est sans doute le Journal de Mickey qui a ouvert cette voie il y a plus de 15 ans, suivi des comics books américains, et que la BD franco-belge ne suit que tardivement ce phénomène. Je pense que je me détache des Megalex, des comics comme de la couleur en a-plat de la BD d’humour par ma volonté de rester très manuel dans mon usage de l’informatique. Je n’utilise l’ordinateur que comme un simple tube de gouache ou une boite d’aquarelle un peu différente.

-  Qu’est ce qui t’a donné envie de réaliser UW1 ? Quand tu as construit le scénario de cette série, qu’est ce qui t’a poussé à imaginer cette vision pessimiste de notre futur ?

C’est le présent qui m’inspire le futur. Je pense que la Science Fiction est un genre socio-politique avant tout. On utilise ce jeux de prédiction, ou parfois d’incongruité pour finalement offrir une loupe grossissante sur notre actualité. UW1, est né en 1998 de l’angoisse montante que j’avais d’une grande crise de civilisation à venir, car je trouvais que notre société était affligée d’un remarquable sens de la morbidité, qui était camouflé alors par la mondialisation galopante. Or, nous avons un problème en cas de crise majeure : nous avons les moyens de détruire la planète ! Je ne crois pas que cette crise ait eu lieu le 11 septembre, mais qu’elle est bien encore devant nous. Pourvu que je me trompe !

-  J’ai l’impression que ce qui rassemble les auteurs des « Humanoïdes Associés » est, entre autre, une vision négative d’un futur plus ou moins proche. Par exemple Bilal dans sa Trilogie Nikopol semble être préoccupé de ce que pourrait devenir notre monde... Ou encore tout récemment avec la parution de Hors-Jeu et du Sarcophage deux œuvres sublimes et je le crains visionnaires... La série UW1 ne se rapproche-t-elle pas de l’esprit des « Humanos » de part sa vision d’un monde en autodestruction ?

C’est une vision qui précède de beaucoup “l’esprit humanos”, puisque c’est un des thèmes initiaux de la Science-Fiction. Le futur décrit par H.G. Wells dans la Machine à voyager dans le Temps à la fin du 19e siècle, ou celui de Metropolis de Fritz Lang au cinéma dans les années 20 n’est pas rose, bien au contraire ! La science-fiction a même sans doute une grande tendance au pessimisme. Comme si en Occident toute prophétie tendait au terrifiant depuis l’Apocalypse de St-jean.

-  Quel est le message que tu souhaites faire passer au travers de la série UW1, quel est ton but pour les 6 tomes ? Je ne pense pas que ce soit juste pour raconter une histoire de SF, c’est un petit peu ce que tu nous dis dans la préface du tome 4. Ton œuvre est-elle une sorte de mise en garde contre les dérives de l’humanité ?

Je laisserai sur ce sujet mes albums parler à ma place, car j’espère qu’il n’est pas nécessaire de devoir y ajouter un discours extérieur pour qu’ils prennent leur sens

-  Tu sembles avoir de nombreux projets en tête. Je crois que tu participes à la création du film d’animation « Antebios » réalisé par François Barranger (source SCIFI.com). Souhaites-tu t’orienter à la manière de Mathieu Lauffray dans le cinéma et l’animation ? Penses-tu que la BD et le cinéma soient des mondes mitoyens et complémentaires ?

Contrairement à mon vieux complices et ami Mathieu Lauffray, qui est foncièrement un illustrateur, et qui met son art au service d’autres arts, je fais moi de la BD parce que c’est exactement ce que je veux faire ! Je n’ai pas non plus le fameux complexe qu’ont beaucoup d’auteurs de BD de faire un soit-disant cinéma avec la BD. cette attitude est insultante en fait pour ces deux arts, en sous-entendant que la BD serait un sous-genre du cinéma, tout autant que le cinéma pourrait être transféré sans perte dans un autre art. A la limite, la BD a beaucoup plus à voir avec la littérature : nous partageons avec elle sa forme physique, le livre, son mode d’accès, la lecture, sa liberté de moyen, on peut tout raconter et dessiner sans exploser un budget quelconque. En fait, cette référence permanente au cinéma n’a qu’une seule raison : le cinéma est l’art dominant de notre époque !
-  La question que l’on se pose est : Quel est le travail préliminaire et le travail personnel de l’auteur, d’où est-il parti, où veut-il en venir ? Où voulons nous en venir ? C’est LA question que nous nous posons tous souvent, en fait !