image 1
Nicolas - droits reservés
 
Nicolas Atchine

A STAR IS DEAD

Je regardais comme à mon habitude la Nouvelle Star tout en calinant mon canard lorsque Philippe Manœuvre dédicaça un titre de Bob Dylan à la mémoire d'un des plus grands experts de Dylan qui venait justement de mourir : "Nicolas Atchine".

Ce nom n'a sans doute pas dit grand chose à grand monde. Mais moi ça m'a fait un méchant choc. Je le connaissais bien, le petit Nicolas… On avait fait nos premières armes ensemble à la fin des années 80 à Scarce, un fanzine spécialisé dans les comics américains. Nicolas était très jeune à l'époque, mais avait déjà une culture pop encyclopédique. Il écrivait très bien, avec beaucoup d'aisance. Il avait un avis sur tout, et donc beaucoup d'ennemis. Moi je l'ai tout de suite apprécié : on devait se ressembler un peu.

On faisait de la musique tous les deux, et ne jurions que par les comics… Lui a finalement choisi de suivre plutôt la voie du rock que celle de la BD, et j'ai perdu contact avec lui, ne le recroisant qu'en de rares occasions, genre avec le fils de Jodorowsky. Nicolas Atchine était devenu Nikola Acin, traduisait moultes ouvrages, interviewait moultes gens pour le magazine Rock & Folk de Manœuvre, avait monté son groupe les Hellboys, et je devais ignorer les trois quarts de ses activités...

J'ai fouillé la toile à l'instant. Une seule confirmation de la mort : "Nikola est décédé de façon soudaine le dimanche 18 mai 2008 à l'âge de 34 ans." C'est jeune, 34 ans. pour mourir. Merde.

On ne s'attend pas à apprendre la mort d'un vieux pote en regardant la Nouvelle Star. Merde.

Nikola Acin - A propos du Band et de Dylan

Denis Bajram

Le mercredi 21 mai 2008

Quand Star Trek parle de Sarkosy

OPPORTUNITÉ + INSTINCT = PROFIT.

« Opportunité plus instinct égalent profit »… quelle jolie devise.

La grande qualité des séries TV Star Trek est d’avoir imposé une école “positiviste” dans la science-fiction. Là où souvent les auteurs de S.F. nous prédisent le pire pour essayer de nous l’éviter (j’en suis un parfait représentant avec UW1), Gene Roddenberry imagina un monde où les humains seraient devenus, si ce n’est parfaits, du moins franchement altruistes. Ils exploreraient l’univers pour le plaisir de la science et dans l’espoir de sympathiser avec toutes les races de l’univers. En 1966, alors que les USA connaissaient de terribles émeutes inter-raciales, que le Viet-nam tournait au cauchemar et que la guerre froide battait toujours son plein, c’est vers l’idéalisme que se tournait Star Trek.

Lorsque les scénaristes de Star Trek introduisirent les Ferengis dans la série 20 ans plus tard, tout laisse à penser que c’est les Américains des années 80 qu’ils avaient voulu caricaturer. La hiérarchie sociale des Ferengis est en effet celle qui prévaut aux USA : les plus riches en haut, les plus pauvres en bas. Pour s’assurer cette richesse, toute la société ferengie est basée sur le commerce et le profit, au point d’en avoir fait un code (a)moral auquel tous se réfèrent : les Règles d'Acquisition ferengies. Là où en France on croyait encore dans les années 80 à la valeur intellectuelle, culturelle ou personnelle des hommes, les USA de Reagan étaient eux déjà totalement vendus au profit.

Il y a quelque jours, en regardant un épisode de Star Trek DS9, j’ai entendu une règle d'acquisition ferengie qui résonnait particulièrement avec notre actualité : « Opportunité plus instinct égalent profit ». Opportunité et instinct. Voilà exactement la méthode de gouvernement de Nicolas Sarkozy. Cet homme sans culture intellectuelle, au point qu’il change d’opinion comme de chemise, sans culture classique, (jamais la France n’avait eu un président parlant aussi mal le français), à qui il ne reste qu’une forte personnalité, est en fait l’incarnation exacte de l’opportunisme et de l’instinct. Lorsqu’il s’impose dans la prise d’otage de Human Bomb à Neuilly. Lorsqu’il trahit Chirac pour le candidat donné gagnant Balladur. Lorsqu’il arrive à revenir en grâce auprès de Bernadette Chirac et se saisit finalement de l’UMP. Lorsqu’il se fait élire sur des promesses populistes. Lorsqu’il séduit les femmes les plus en vue. Un incroyable opportuniste, une bête d’instinct.

L’instinct n’étant pas raison, il fait d’incroyables bévues. Car, dès que se présente une opportunité, il ne peut s’empêcher de la saisir, quitte à détruire ce qu’il a construit la veille. Il ne connaît tellement que l’opportunisme et l’instinct qu’il les a imposés à son gouvernement comme méthode de gestion. Alors que la gestion, l'organisation, la planification que nécessite la “bonne gouvernance” sont l'exact opposé de l'opportunité et l'instinct… Prenons l’ouverture à gauche, par exemple : ce n’est pas une décision politique réfléchie, c’est juste des opportunités people à saisir. Voilà donc qui nous dirige. Et nous voyons où cela nous a en quelques mois amenés : au grand n'importe quoi, ou même la majorité ne comprend plus rien.

Ceci dit, je n’accuserai pas que Sarkozy. Il a été copieusement élu par les Français. Et c’est logique : nous nous américanisons jour après jour.

Nos enfants ne veulent plus devenir médecins, chercheurs ou ingénieurs comme dans les années 80 ; maintenant ils vont tous en école de commerce. Les seules classes de mathématiques dont on nous a parlé dans les medias depuis 20 ans sont celles de mathématiques financières. Les amis chartistes de ma femme sont tous en train de déprimer devant le désintérêt de plus en plus flagrant de la société pour la recherche universitaire et pour les vrais historiens. Mais, c'est vrai qu’il n'y a que peu d’opportunités à saisir dans le passé, juste des enseignements. Et même quand les medias nous parlent tous les matins de “développement durable”, c’est une preuve en soit : c'est qu'en vrai nous sommes tous devenus des opportunistes sans conscience des lendemains.

Pou finir : si j'en crois Star Trek, un Ferengi vendra son propre frère si l’opportunité est bonne, et si son instinct lui dit que c’est le bon jour. Alors, chers lecteurs, vous êtes prévenus : vous n’êtes plus qu’une source de profit potentiel pour les autres humains. Pour savoir à quelle sauce vos propres enfants vous mangeront, lisez donc les les Règles d'Acquisition ferengies.

Denis Bajram

Le jeudi 17 avril 2008

...

DÉCISION

A partir de maintenant, vu la bêtise du monde, j'ai décidé de me taire.

Denis Bajram

Le mardi 1 avril 2008


PS : poisson d'avril
Fais tourner, c'est du belge

BLAGUONS UN PEU

Petit rappel :

- On s'est mis à faire des blagues sur les Belges à partir des années 50 parce qu'on ne pouvait plus faire des blagues sur les juifs ou les noirs après Hitler et la décolonisation.
- On s'est mis à faire des blagues sur les blondes à partir des années 90 parce qu'on n'a plus vraiment le droit de faire des blagues machistes sur les femmes, en général comme en particulier.
- On finira par ne faire des blagues que sur les folles quand celles sur les homos en général seront considérées comme de trop mauvais goût.

Oui, les blagues sur les Belges, blondes et autres sont des blagues de remplacement pour éviter d'être raciste, machiste etc... C'est sans doute mieux, mais les valeurs portées sont toujours les mêmes valeurs de merde.

Maintenant, si on ne peut plus rire de qui et de quoi que ce soit, c'est sûr qu'on va se faire chier. Rions donc, mais n'oublions surtout pas que tout cela est très loin de grandir l'humanité. Et si on faisait plutôt des blagues sur les mecs-hétéros-boulot-pavillon-télé pour les sortir de leur torpeur satisfaite ? Ou sur les puissants ? Les petits chefs ? Les riches de la droite-décomplexée ? Les donneurs de leçon de cette chère gauche qui pense toujours avoir le monopole de la démocratie et du cœur ? Bref, tous les groupes qui sont dominants d'une manière ou d'une autre ?

Et quand on aura enfin choisi de bonnes cibles à notre humour, on regrettera tous de ne pas être des homos-juifs-noirs-communistes… ou du moins des folles-belgo-blondes.

Denis Bajram

Le dimanche 16 mars 2008

À lire avec le moral...

LA GRANDE DÉPRESSION DES AUTEURS

Je croise beaucoup d’auteurs déprimés ces derniers temps.

Le dernier en date est assez célèbre. Et en ce moment, il est en pleine dépression : il vient de réaliser que l’humanité n’est pas entièrement constituée de boy-scouts. Pour commencer, certains l'accusent depuis quelques temps d’être un facho. De plus, le lancement du journal qui porte le nom de son personnage fétiche est assez délicat. Et enfin, il vient de découvrir que son agent l'escroque à tour de bras. Tout ceci se passe à la fin des années 40, et cet auteur, c’est Hergé. Vous l'aurez peut-être deviné, je suis en train de lire la copieuse et passionnante biographie que Philippe Goddin 1 a écrit sur le père de Tintin. Et j’y découvre en ce moment un créateur épuisé par les 20 années de labeur qu’il vient de consacrer à la BD. Voilà qui résonne étrangement, car des auteurs de BD déprimés, j’en croise un peu trop ces derniers temps. Mais ce ne sont pas de grands auteurs lassés d'avoir trop travaillé à leur succès, ce sont des jeunes auteurs lassés de trop travailler pour rien.

Je m’explique : la bande dessinée est florissante en ce moment. On n’a jamais autant sorti d’albums chaque année. Lorsque je suis entré dans ce métier au milieu des années 90, on parlait de 600 nouveautés par an. Plus de dix ans après, ces chiffres ont triplé. Toujours plus d’éditeurs, toujours plus de livres par éditeurs, toujours plus d’auteurs, toujours plus de libraires, et heureusement plus de lecteurs. On devrait s’en réjouir, et pas déprimer, non ?

Mais il reste que cette croissance a totalement changé la donne pour les auteurs : leurs livres sont moins visibles. Ils sont noyés dans la quantité. De la profusion, on est passé à l’avalanche de nouveautés ces dernières années. A tel point que lecteurs, journalistes et libraires ne savent plus où donner de la tête. Bien sûr, quand un titre se détache, ou est déjà connu, il profite à fond du côté “valeur-refuge”, et son succès s’en accentue d’autant (je sais, j’en profite avec Universal War One). Mais, à côté, ce sont des centaines d’albums qui ne sont pas vus : ils arrivent sur la table de nouveautés du libraire, où on leur trouve (pas toujours) une petite place au milieu de l’émeute. Et puis, si très vite (une semaine) ils ne trouvent pas leur public, si le bouche à oreille n’est pas tonitruant, si la campagne de pub de l’éditeur ne tape pas du poing sur la table, et bien, la table, ils s’en font virer. Car, chaque jour, de nouvelles palettes de nouveautés se déversent sur le pas-de-porte du libraire dans l’espoir à leur tour d’exister… un peu.

Résultat : des auteurs qui avaient une sympathique visibilité il y a quelques années, découvrent que maintenant ils bossent POUR RIEN. Car, passées les avances sur droits de l’éditeur, qui font bouillir la marmite, cooool, que reste-t-il de tout ce travail ? Que reste-t-il du colossal investissement créatif qu’est un album de BD ? RIEN. Une référence dans les bases de données des libraires, un de ces milliers d’albums qu’on peut commander. Et quelques tristes remarques en festival « Ah bon, il est sorti ton dernier album ? Aaaah, flûte, je ne l’ai pas vu. ». En fait, beaucoup d’auteurs se demandent qui a pu bien les lire dans ces conditions. Parfois, même, l'auteur se met à penser que son éditeur, pris lui-même dans sa surproduction, n’a pas fait plus que de feuilleter rapidement ses pages finales en se rappelant du synopsis signé deux ans plus tôt.

Peut-on faire des livres en sachant parfaitement qu’on ne sera finalement pas lu ? Peut-on cuisiner des plats qui ne seront jamais mangés ? C'est du gâchis. Voilà pourquoi je ne croise quasiment plus que des auteurs déprimés : nul n’a envie de gâcher sa vie…

Denis Bajram

Le vendredi 14 mars 2008


PS : Certains se sont inquiétés de mon moral après ce petit texte : qu'ils se rassurent, malgré cette triste ambiance, j'ai la patate en ce moment. D'ailleurs, je n'aurais pas le courage d'écrire ce genre de constat déprimant si je déprimais :-)

Notes:
1 Lignes de vie de Philippe Goddin - Editions Moulinsart 2008
Cette page a été modifiée pour la dernière fois le mercredi 10 février 2016. © 2017 Denis Bajram